Les manifestations d’Istanbul ? « Trois fois rien » pour les Turcs de Bohain

Publié le lundi 10 juin 2013 à 09H52 - Vu 33 fois

 

BOHAIN-EN-VERMANDOIS - Les manifestations contre le Premier ministre turc et ses projets d’urbanisme durent depuis dix jours. A Bohain, la communauté turque minimise la contestation.

«Ca s’arrêtera dans deux ou trois jours » promettent-ils tous. « Ou un peu plus » nuancent certains. La communauté turque de Bohain (entre 800 et 1000 personnes) était réunie ce week-end pour sa kermesse annuelle, et rien n’est venu troubler la fête, pas même les mauvaises nouvelles en provenance « du pays ».
« Les médias français accentuent ce qui se passe là-bas, en fait il n’y a qu’1 % de la population qui soutient les contestations de la place Taksim », affirme Mehmet. Plusieurs milliers de personnes manifestent pourtant sur la plus grande place d’Istanbul et dans les principales villes du pays depuis dix jours. La contestation fait la Une de tous les principaux journaux européens.
Une communauté pro-Erdogan
Une opposition au Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et à ses projets de constructions pharaoniques. Le chef du gouvernement turc veut en effet détruire le parc Gezi, au centre d’Istanbul, et ses arbres pour y installer la réplique d’une caserne ottomane abritant un centre commercial et des résidences de luxe. Selon le dernier bilan rendu public par le syndicat des médecins turcs, la contestation a causé la mort de deux manifestants et d’un policier et a fait 4 785 blessés.
Les manifestations ont également gagné Ankara, la capitale, et les principales villes de Turquie. Une manifestation de soutien a également été organisée par la communauté turque de Paris mardi dernier. Mais à Bohain, des femmes nous soutiennent qu’il « n’y a pas de morts », en tous cas, pas dans les journaux turcs - ce que contredit toutefois un jeune homme un peu plus tard.
« Toutes ces manifestations pour un parc, c’est n’importe quoi, je ne comprends pas » complète une autre, qui rappelle son attachement au premier ministre en place.

« Un pays qui construit, c’est bon signe »

« Ils manifestent contre un hôtel alors qu’Erdogan a construit 12000 kilomètres de routes en huit ans, a rendu les hôpitaux gratuits pour les moins de 18 ans, a construit une université dans chaque grande ville du pays… », énumère Yucel, le gérant d’un resto rapide. « C’est un bon Premier ministre » résume Corinne Cispan, la femme (française) du président de l’association culturelle islamique turque de Bohain.
« L’an prochain aux élections, il sera réélu avec une plus grande majorité encore » croit savoir Mehmet. Pour la première fois de leur histoire les Turcs éliront l’an prochain leur président au suffrage universel direct. Abdullah Gül, le président actuel (membre de l’AKP, un parti conservateur) joue donc sa place, mais aussi celle de son Premier ministre.
« La majorité des Turcs les soutiennent » affirme encore Mehmet, « ces manifestations sont manigancées par le CHP (parti républicain du Peuple, opposition de gauche, ndlr), et Kemal Kiricdaroglu » analysent plusieurs des Turcs de Bohain.
Un Printemps turc? Ils n’y croient pas. « Ça ne se passera pas comme en Tunisie, la Turquie a une croissance de 13 %. Les gens vivent très bien et un pays qui construit c’est plutôt bon signe, on ne va pas le lui reprocher » soutiennent-ils tous en cœur. Ils ajoutent, comme pour donner plus de crédibilité à leurs propos, que là-bas, « les casseurs sont très mal vus : le PKK (Organisation armée pro- Kurde), les terroristes (Recep Tayyip Erdogan a récemment utilisé le mot, provoquant les foudres des États-Unis, ndlr), ils en ont marre ».
Peu ont de la famille à Istanbul, et l’inquiétude ne se fait donc pas sentir, « tout ça c’est politique et personne n’en parle. Il n’y a que les Français qui posent des questions », concluent-ils, dans un sourire.

Lucie TANNEAU